Le porno nuit à l'environnement

Le porno nuit à l'environnement

La pornographie regardée dans le monde entier représente 0.2% de toutes les émissions de gaz à effet de serre. Cela peut sembler peu, mais cela équivaut à 80 millions de tonnes de dioxyde de carbone, soit autant qu'émettent tous les foyers en France.

En juillet 2019, une équipe dirigée par Maxime Efoui-Hess de The Shift Project à Paris a publié le premier ouvrage majeur sur la consommation d'énergie de la vidéo en ligne.

Ils ont réalisé une étude de cas détaillée sur l'électricité consommée pour diffuser des vidéos pornographiques aux consommateurs. La Reward Foundation a contribué à apporter cette histoire au monde en juillet 2019.

Alors, qu'est-ce qu'ils ont trouvé?

Les vidéos pornographiques en ligne représentent 27% des vidéos en ligne, 16% du flux total de données et 5% des émissions totales de gaz à effet de serre dues au numérique.La pornographie nuit à l'environnement The Shift Project

 

Regarder de la pornographie est un contributeur significatif et mesurable au changement climatique. Alors maintenant, nous pouvons réfléchir plus attentivement à la question…. "Est-ce que regarder du porno en vaut la peine?"

Cette vidéo ci-dessous résume la réponse de The Shift Project… Cette vidéo, elle-même émettrice de gaz à effet de serre (en moyenne un peu moins de 10 grammes de CO2 par visionnage), est destinée au grand public. Il vise à rendre visible l'impact environnemental du numérique, alors qu'il est invisible au quotidien. La vidéo met également en lumière les conséquences de l'usage du numérique sur le changement climatique et l'épuisement des ressources.

Cas pratique: pornographie

Tout d'abord, regardons la vue d'ensemble du projet The Shift.

Le visionnage de vidéos en ligne représente 60% du trafic de données dans le monde. Au cours de 2018, il a généré plus de 300 Mt de CO2. Par exemple, il s’agit d’une empreinte carbone comparable aux émissions annuelles de l’Espagne.

 

pornographie 27%
Répartition des flux de données en ligne entre les différentes utilisations de 2018 dans le monde
(Source The Shift Project 2019)

La question de l'impact social de la pornographie sur la société est une manifestation cruciale de la tension qui cristallise le débat sur la pertinence d'un usage à l'échelle d'une société. Débat d'actualité pour les différents acteurs depuis plusieurs décennies, la pornographie a fait l'objet de nombreuses études sociologiques visant à en comprendre les effets. L'essor des nouvelles plates-formes diffusant des contenus pornographiques (Gauthier, 2018) a révolutionné la consommation de pornographie avec un accès par smartphone, y compris par les enfants et les adolescents, simple et gratuit.

Opinions d'experts

Notre approche consistait à rassembler les avis d'experts sur les effets sociétaux des contenus vidéo pornographiques en ligne. De toute évidence, l’objectif n’est pas de prétendre résumer en quelques paragraphes la complexité d’un débat de plusieurs années. Il s’agit plutôt d’établir les questions soulevées par l’évaluation de la pertinence des différentes utilisations afin de déterminer si le porno nuit à l’environnement.

Les observations mises en évidence ici n'ont pas pour objet d'apporter la preuve de la présence ou non d'un effet néfaste. Elles permettent cependant de réfléchir sur les modalités de prise de décision politique qui prennent en compte les risques liés à ces effets préjudiciables.

Implications sociétales de la diffusion et de la réception de contenus vidéo pornographiques en ligne

L'un des problèmes mentionnés concernant les effets de la consommation de pornographie au niveau sociétal est le phénomène de normes changeantes. Une tendance a été observée vers une augmentation de la violence dans le contenu visionné. Cela entraîne des effets néfastes sur la sexualité de l'individu et sa perception des relations physiques, y compris en cas de consommation occasionnelle (Solano, 2018; Muracciole, 2019). Ce phénomène est catalysé par la disponibilité de tous les types de contenu pornographique - y compris les plus violents - facilité par l’avènement de plateformes de vidéos en ligne dédiées (Gauthier, 2018).

 

Le logo du projet Shift

Diffusion sur Internet

L’impact que peut avoir la méthode de diffusion de type «Tube» du contenu vidéo pornographique en ligne constitue un problème à l’échelle de notre société. Le contenu est diffusé sur la base d'une catégorisation «étiquetée» pour le consommateur (le rôle des mots-clés), basée sur le modèle utilisé pour catégoriser les produits culturels destinés au grand public. Toutefois, cette catégorisation n’est possible que par la normalisation du contenu lui-même et donc, en raison de la nature du produit pornographique, par la normalisation des personnages et des situations présentés, chaque catégorie devant être construite selon des spécificités facilement identifiables. En ce qui concerne la standardisation des représentations des personnes et des relations humaines, les experts en la matière soulignent qu’elle soulève la question du rôle joué par les contenus pornographiques dans l’impression de caricatures sociétales et de manifestations d’inégalités sur les représentations (Muracciole, 2019).

La livraison de vidéos signifie que tout le porno nuit à l'environnement

Pour apprécier l’impact social de l’utilisation de vidéos pornographiques sur la société, il est nécessaire d’inclure tous les types de contenu dans notre réflexion, notamment ceux qui se prétendent commis et alternatifs (pornographie se prétendant féministe, promouvant la diversité, le contenu ne présentant aucune représentation préjudiciable le couple, etc.). La question de l'évaluation précise des effets bénéfiques de ces approches alternatives n'entre pas dans le cadre du présent rapport pour déterminer si le porno nuit à l'environnement.

Nous soulignons plutôt la nécessité de prendre en compte l’effet des vecteurs de diffusion sur la dynamique qui modifie les utilisations: les volumes de contenus mis à disposition par les plateformes de vidéo en ligne sont suffisamment importants pour influencer les tendances de l’évolution des utilisations à grande échelle. Il est donc nécessaire de comprendre le rôle joué par l’architecture des plates-formes et de déterminer le point où le modèle dominant - le contenu industriel normalisé - laisse la place à des contenus alternatifs (Vaton, 2018).

Implications sociétales de la production de contenus vidéo pornographiques en ligne

Comme pour toutes les utilisations vidéo, la phase de production du contenu est liée à celle de la diffusion et de la réception. Par exemple, les observations faites sur le déplacement de la norme concernant la violence des contenus vus ont nécessairement un impact sur la production des contenus. L'augmentation de la violence des pratiques observées par le consommateur entraîne une augmentation de la violence des pratiques lors du tournage de vidéos et de films. La question de la violence tolérée dans ces processus de production soumis à un cadre juridique est donc soulevée par les participants au débat (Muracciole, 2019).

Les nouvelles plateformes de diffusion permettent la production et le partage de contenus par des particuliers dans des locaux privés. Cette possibilité nouvelle participe dans une certaine mesure à la diversification des représentations en sortant du cadre standardisé de l'industrie pornographique. Il est pourtant essentiel de s'interroger sur la possibilité d'une véritable réappropriation par les particuliers des contenus et des représentations au sein d'un marché largement dominé par les groupes industriels en place.

 La construction des usages pornographiques

Catherine Solano, sexologue, observe « depuis plusieurs années, que pour une grande partie des hommes, la masturbation est indissociable de la pornographie » (Solano, 2018). L'usage de la pornographie et donc la visualisation de vidéos pornographiques en ligne sont donc désormais associés à une utilisation régie par des mécanismes cognitifs hautement automatiques, ce qui permet une monétisation efficace des produits proposés. Aujourd'hui, le développement économique du visionnage de vidéos pornographiques en ligne repose donc sur un amalgame cognitif issu des pratiques marketing du secteur : l'association de l'usage de la pornographie à l'acte physique sexuel (Roussilhe, 2019).

Effet déclencheur

Voir un corps nu active une première réaction automatique dans le cerveau qui suscite un intérêt lié au réflexe évolutif de possibilité de procréation (Solano, 2018). Sachant que nos mécanismes cognitifs hébergent un biais, appelé « effet déclencheur », qui induit une inertie dans notre processus de pensée30 (Marcinkowski, 2019), on peut comprendre que la sexualisation des contenus grand public introduit des usages pornographiques dans un mécanisme plus large de influence : exposés à des contenus sexualisés destinés au grand public (publicité, clips vidéo, etc.), les individus se retrouvent dans un état de sollicitation récurrente des zones de leur cerveau liées au désir physique. Celle-ci va donc catalyser les usages faits par l'individu au sein d'un même type de démarchage, y compris les usages pornographiques (Roussilhe, 2019) qui s'effectuent préférentiellement via les plateformes de diffusion en ligne, objet de cette analyse.

Nous voyons donc, une fois de plus, que ces utilisations sont construites selon un composant collectif que l’on ne peut ignorer: l’architecture du système qui transmet des informations à grande échelle participe pleinement à la définition des utilisations des vidéos pornographiques en ligne. Nous avons maintenant un moyen de montrer que la pornographie nuit à l'environnement.

Bibliographie

Gauthier, UG (2018). L'ère du porno. Les Hors-Série de L'OBS. n°100. nov. 2018.

Marcinkowski, J. (2019, 20 mars). Caractérisation, construction et réglementation possible des usages vidéo. (M. Efoui-Hess, Intervieweur)

Muracciole, M. (2019, 22 mars). La pornographie dans les usages vidéo en ligne. (M. Efoui-Hess, Intervieweur)

En ligneRoussilhe, G. (2019). Caractérisation, construction et réglementation possible des usages vidéo. (M. Efoui-Hess, Intervieweur)

Solano, C. (2018, novembre). Malades du porno. L'ère du porno. Les Hors-Série de L'OBS. n°100, p. 90-93.

Vaton, M. (2018, novembre). Entretien avec Ovidie. L'ère du porno. Les Hors-Série de L'OBS. n°100, p. 76-79.